Quel thème avez-vous traité ?
J’ai traité le thème de la science.
Paradoxalement “yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar” est la pièce la plus conceptuelle que j ai réalisé ; elle invite à réfléchir sur notre “reliance” les un au autre, ainsi que sur notre patrimoine commun (biologique et spirituel).

Pour cela j’ai reproduit une expérience de Trouvelot qui en 1988, dans la lignée de Lichtenberg, mettait en évidence la circulation de l’électricité dans l émulsion d’une plaque photosensible.

L’électricité, phénomène invisible est donc révélée.

 

Comment vous êtes-vous approprié le sujet ?
C’est avec l’aide de Pascal Lauque et Hervé Dallaporta, que nous avons réalisés un dispositif permettant de fixer ces décharges électriques : il a fallu mettre au point différente machine afin d’obtenir des étincelles (figures) exploitable pour la fabrication de la pièce.

Ce dispositif est constitué d’une alimentation très haute tension délivrant jusqu’à 50 kV. L’énergie fournie par cette alimentation est stockée dans un assemblage de condensateurs. Lorsque la tension aux bornes de cet assemblage atteint une valeur critique fixée par l’écartement des électrodes d’un éclateur, l’énergie stockée est transférée brutalement à une électrode posée sur la plaque photosensible.

Il se crée alors une étincelle par ionisation de l’air autour de cette électrode. Cette ionisation progresse instantanément dans l’émulsion de la plaque et la figure fractale obtenue met en évidence le déplacement des charges électriques.

Ces images sont donc générées directement par contact de l’étincelle sur la plaque, sans appareil photographique.Un protocole de sécurité est essentiel pendant l’opération car il y a risque d’électrocution.

À la différence des travaux de Trouvelot qui utilisait une émulsion sèche au gélatino – bromure d’argent, j’utisile une émulsion au collodion humide (contenant du nitrate d’argent).

 

 

 

 

 

Le fait de répondre à un sujet imposé a t’il été une contrainte pour vous ?
Évidemment il y a des contraintes dans les sujets imposés mais les contraintes font parties du processus créatif. Le procédé photographique de 1850 (Ambrotype au collodion humide) avec lequel je travaille est tributaire de mon geste à toute les différentes étapes du processus au meme titre que l‘hygrométrie, la température, l’oxydation des produits, …. Ce qui est essentiel, c’est de rester fidèle à son intention et de s’exprimer avec les contraintes inhérentes à son medium.

 

Quel est le rapport du patrimoine à votre œuvre ?    
Pour aborder la question du patrimoine dans mon oeuvre je pense à notre patrimoine énergétique, car j’ai la conviction que nous venons d’une source commune.

Ces figures qui constituent l’œuvre expriment, à travers leur réalité physique et scientifique, les connexions que nous avons les uns aux autres comme celles que nous avons avec les oeuvres d’art qui font parties de la mémoire collective.

C’est en termes de pérennité qu’il faut penser une oeuvre physique afin qu’elle s’inscrive dans notre patrimoine culturel.

 

Pourquoi avoir choisi de représenter l’électricité ?

L’électricité, cette force invisible qui se révèle s’inscrit naturellement dans mon travail sur les énergies, les visions et les mondes invisibles.

 

Pourquoi reproduire et capter cette expérience de Trouvelot ?
J’ai découvert les « figures Trouvelot » lors de l’exposition du Centre Pompidou : “La subversion des images” sur le mouvement surréaliste dans la photographie. Une de ses figures était présentée avec des pièces de Man Ray, Breton, Ubac…, et j’ai trouvé cette image fascinante. Elle éveille en moi l’origine, l’énergie de vie et fait écho à mon étincelle intérieure, ma connexion au vivant – au divin.

Cette ‘figure’ s’est imposée à moi comme une inspiration évidente, une référence obsédante et qui m’a suivie tout au long de ce travail.

« Yo tengo tantos hermanos que no los puedo contar” comporte 77 figures,cette architecture s’est imposé spontanément, 77 est un nombre aux propriétés symboliques très évoquantes.